La victime d’infraction pénale peut se retrouver dans une situation de grande vulnérabilité : blessure, traumatisme psychologique, perte de revenus, frais médicaux, voire décès d’un proche. Le droit français a prévu un mécanisme spécifique de réparation intégrale : la commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI). Cette juridiction spécialisée permet aux personnes touchées par un préjudice résultant d’une infraction d’obtenir une indemnisation des victimes, même lorsque l’auteur est insolvable ou inconnu.
L’objectif de cette page est d’expliquer en détail le fonctionnement de la CIVI, les conditions d’accès, la procédure d’indemnisation, le rôle du fonds de garantie des victimes (FGTI), ainsi que les recours possibles en cas de contestation.
I. Qu’est-ce que la CIVI ?
La commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) est une juridiction civile instituée par la loi du 3 janvier 1977, codifiée aux articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale. Elle siège auprès de chaque tribunal judiciaire (anciennement tribunal de grande instance) et est chargée de statuer sur les demandes d’indemnisation présentées par les victimes.
La CIVI compétente est en principe celle du lieu où demeure la victime directe, mais il est également possible de saisir la commission du lieu de l’infraction pénale ou du ressort de la juridiction pénale déjà saisie.
La commission est composée d’un magistrat professionnel, président de la CIVI, assisté d’assesseurs. Son siège est donc au sein du tribunal judiciaire.
II. Qui peut saisir la CIVI ?
Toute personne physique peut saisir la CIVI si elle a subi un dommage corporel ou moral du fait d’une infraction. Il peut s’agir d’une victime directe ou d’un ayant droit (par exemple l’époux ou l’épouse en cas de décès).
Les bénéficiaires sont :
- Les personnes de nationalité française, même si l’infraction a été commise à l’étranger.
- Les victimes étrangères si l’acte est survenu sur le territoire national.
- Les ressortissants de l’Union européenne ou d’un État lié par une convention internationale avec la République française.
Ainsi, le territoire national et la nationalité française sont deux critères essentiels pour déterminer la compétence de la CIVI.
III. Conditions d’indemnisation
La procédure d’indemnisation repose sur plusieurs conditions d’indemnisation.
A. Gravité de l’atteinte
La victime d’infraction peut prétendre à une indemnisation :
- si l’infraction pénale a entraîné une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail égale ou supérieure à un mois ;
- si elle a provoqué un dommage corporel grave, une atteinte matérielle ou psychologique grave, ou encore si elle a entraîné la mort d’un proche.
B. Nature de l’infraction
La CIVI couvre de nombreuses infractions :
- agression sexuelle, violence, abus de confiance, acte de terrorisme, agression simple ou complexe, accident de la circulation résultant d’une infraction pénale, etc.
C. Exclusions
La commission peut refuser l’indemnisation en cas de faute de la victime, par exemple si elle a provoqué volontairement le dommage.
IV. Procédure devant la CIVI
1. Le dépôt de la demande
La demande d’indemnisation doit être adressée par requête devant cette commission. Elle est présentée par la victime directe ou son représentant légal.
La requête devant cette commission est adressée au greffe de la CIVI par lettre recommandée avec AR. La requête doit être accompagnée de tous les justificatifs utiles : certificat médical, procès-verbal, jugement, attestations de revenus, factures, etc.
2. Les délais
Le délai de 3 ans s’applique à compter de l’infraction. Toutefois, un délai prolongé de un an court à compter de la dernière décision pénale rendue.
L’expression mois à compter de telle ou telle date figure souvent dans les notifications de la CIVI. Il est donc crucial de respecter ces délais, sous peine de voir la demande déclarée irrecevable.
3. L’instruction du dossier
Le président de la CIVI statue d’abord sur la recevabilité. Ensuite, une audience devant la CIVI est fixée. La victime peut être assistée par un avocat et par une association d’aide aux victimes.
Une phase amiable peut être ouverte : le fonds de garantie formule une offre d’indemnité. Si elle est acceptée, le juge procède à l’homologation.
En cas de désaccord, la commission tient une audience contradictoire et rend une notification de la décision.
V. Rôle du FGTI (fonds de garantie)
La CIVI travaille en lien étroit avec le fonds de garantie des victimes (FGTI). Ce fonds public a pour mission la prise en charge financière de l’indemnisation intégrale.
Il intervient pour avancer les sommes dues, puis peut exercer un recours contre l’auteur de l’infraction.
Le FGTI permet donc d’assurer une garantie des victimes effective et suffisante, même en cas d’infraction pénale commise par un auteur insolvable.
VI. Types d’indemnités et évaluation des préjudices
La CIVI compétente peut allouer différentes formes d’indemnités :
- Dommages corporels : réparation des blessures, frais médicaux, perte de revenus, assistance par tierce personne.
- Préjudice moral : douleur, souffrance psychologique, traumatisme.
- Préjudice matériel : remboursement de frais engagés, réparation d’un dommage psychologique ou économique.
Le montant de l’indemnisation dépend de la gravité du préjudice résultant, mais aussi de la situation financière et sociale de la victime.
Dans certains cas, une indemnité plafonnée est prévue par la loi, mais la règle de principe demeure celle de l’indemnisation intégrale.
VII. Rôle de l’avocat et de l’aide aux victimes
Un avocat peut être déterminant pour saisir la CIVI, constituer le dossier, et assurer une défense efficace lors de l’audience devant la CIVI.
La procédure d’indemnisation implique des notions techniques (calcul du plafond d’indemnité, analyse des barèmes médicaux, recours possibles). L’aide juridictionnelle partielle peut être sollicitée pour couvrir les frais de défense.
De nombreuses associations d’aide aux victimes interviennent également pour accompagner la personne dans ses démarches administratives et judiciaires.
VIII. Recours : appel et cassation
La notification de la décision de la CIVI peut faire l’objet d’un appel devant la cour d’appel.
En dernier recours, il est possible de saisir la cass civ (Cour de cassation), notamment en cas de violation d’une disposition applicable du code de procédure pénale.
Le procureur de la République est également partie à la procédure et peut intervenir dans le cadre de la juridiction pénale.
IX. Exemples concrets
Une victime d’agression sexuelle ayant subi un dommage corporel grave peut saisir la CIVI et obtenir une indemnisation intégrale.
Une victime d’un accident de la circulation causé par un conducteur en fuite peut être indemnisée par le fonds de garantie.
Les victimes d’un acte de terrorisme bénéficient d’une procédure accélérée et spécifique prévue par le ministère de la Justice.
X. Enjeux humains et juridiques
La CIVI illustre l’engagement de l’État à offrir une réparation intégrale et effective et suffisante aux victimes. C’est une garantie que le système judiciaire français met en œuvre pour éviter que les problèmes financiers des auteurs ne viennent aggraver la souffrance des victimes.
Elle joue un rôle majeur de justice, d’équité et de protection des citoyens sur le territoire national.
À savoir : points pratiques pour optimiser votre dossier
Pour que la CIVI compétente statue utilement, votre dossier doit établir le caractère matériel de l’infraction pénale (procès-verbal, témoignages, certificats), la réalité du dommage corporel et de la situation matérielle ou psychologique.
Lorsque l’atteinte a entraîné une incapacité ou une incapacité totale de travail égale ou supérieure à un mois, la demande d’indemnisation relève clairement du champ des articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale.
En pratique, la procédure d’indemnisation se déroule en deux temps : une phase amiable où le fonds de garantie formule une offre, suivie, en cas de désaccord, d’une audience devant la CIVI. Le FGTI assure la prise en charge des dommages corporels et peut engager une aide au recouvrement contre l’auteur. Les prestations de la sécurité sociale et autres organismes sont prises en compte pour parvenir à une réparation intégrale sans double indemnisation.
La CIVI applique le droit commun de la responsabilité, adapté par les textes spéciaux, et apprécie les postes de préjudices de victimes (souffrances endurées, déficit fonctionnel, pertes de revenus, assistance par tierce personne, frais divers).
La situation matérielle du demandeur, ses ressources et ses besoins concrets orientent l’évaluation.
En cas d’obstacle objectif (ex. auteur inconnu/insolvable) ou de motif légitime justifiant un délai prolongé, la commission peut admettre la recevabilité mois à compter de la notification de la décision pénale. Dans tous les cas, l’objectif est une indemnisation intégrale proportionnée au préjudice résultant et juridiquement sécurisée.
Conclusion
La commission d’indemnisation des victimes d’infractions est une institution indispensable au cœur du système judiciaire français. Elle permet aux victimes d’obtenir une réparation intégrale et une indemnisation effective, même lorsque l’infraction pénale n’a pas pu donner lieu à une décision exécutoire contre l’auteur.
Grâce à la CIVI, au fonds de garantie des victimes, et au concours du ministère de la Justice, chaque personne touchée par une infraction peut faire valoir ses droits et être indemnisée de son préjudice.
FAQ – CIVI
La présence d’un avocat est-elle obligatoire devant la CIVI ?
Non, mais elle est vivement recommandée : la procédure d’indemnisation comporte des points techniques (évaluation du préjudice, plafond d’indemnité, délais). Un avocat vous aide à saisir la civi, défendre vos droits et optimiser l’offre du fonds de garantie.
Quels sont les délais pour saisir la CIVI ?
En principe, délai de 3 ans à compter des faits ; à défaut, un délai court en mois à compter de la dernière décision pénale. Respecter la notification de la décision et les mentions « à compter de la date de… ».
Quelles infractions sont prises en charge ?
La plupart des infractions : violences, agression sexuelle, abus de confiance, actes de terrorisme, accident de la circulation avec délit. L’important est l’atteinte et ses conséquences (ex. incapacité totale de travail).
Comment se déroule la phase amiable ?
Le FGTI présente une offre. Si acceptée, le président procède à l’homologation. Sinon, audience devant la civi et jugement. En tout état, l’objectif est une indemnisation intégrale adaptée.
Que faire si l’offre est insuffisante ?
Contester lors de l’audience et produire des justificatifs complémentaires. En cas de décision défavorable, exercer un appel ; en ultime étape, pourvoi en cass civ.
Le FGTI peut-il m’aider à récupérer les sommes si l’auteur ne paie pas ?
Oui. Le FGTI verse l’indemnité à la victime et met en œuvre, si besoin, une aide au recouvrement contre l’auteur. Cela garantit une indemnisation effective et suffisante, indépendamment de la solvabilité du responsable.
Contact
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